21 février 2009

L'intérêt de la nationalisation des réserves pétrolières

Depuis les années 50, de nombreux pays producteurs ont nationalisé les puits de pétrole. Et désormais, les compagnies pétrolières ne représentent plus grand chose en termes de marché. Entre 10 % (chiffres du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie) et 16 % en plein accès + 19 % en accès limité (chiffres du journal le monde du 10 aout 2006). Soit entre 10 % et disons 25 %. On peut se demander si ça n'a pas été fait exprès. Et ce pour plusieurs raisons.


1) Justifier le sous-investissement

Si le marché était encore contrôlé à plus de 60/70 % par les compagnies pétrolières, le fait que le niveau d'investissement soit faible aurait pu paraitre bizarre. Bien sur, il y a eu une longue période de prix bas, qui rendait apparemment logique un faible niveau d'investissement. Mais quand même ; un si faible investissement pendant si longtemps aurait posé question si les compagnies pétrolières avaient été les seuls éléments de l'équation. Surtout qu'entre 1945 et 1973, les prix étaient très bas, et pourtant, ça n'a pas empêché les compagnies pétrolières d'investir à tour de bras.

Et puis, il y a toujours le problème d'avoir éventuellement des petites compagnies privées venant faire de la prospection. Autant, pour les grosses compagnies, on peut éventuellement comprendre une absence d'investissement à certains moments (puisqu'elles ont déjà de grosses réserves), autant pour les compagnies de taille moyenne, ça peut être louche, puisque leur intérêt est de trouver de nouveaux champs pour devenir plus importantes. Mais si le marché est essentiellement dans les mains des états, alors là, l'absence de recherche de nouveaux gisements devient beaucoup moins bizarre.

Avec la nationalisation des réserves, il y a deux situations. Soit l'état investit seul (par le biais d'une société d'état), soit l'état laisse une compagnie privée nationale ou étrangère réaliser les investissements de recherche et de forage et partage une partie des recettes avec celle-ci.

1,a) Investissements réalisés essentiellement par l'état

S'il n'y a pas d'investissement de fait de la part des pays producteurs, on dira que c'est parce qu'ils n'ont pas les compétences pour mener des travaux.

Et puis, on dira aussi que c'est parce que les pays n'ont pas assez d'argent pour investir dans la recherche de nouveaux gisements. Ce qui est crédible pour pas mal d'entre eux, parce que beaucoup de pays producteurs sont des pays pauvres. Mais, même pour les pays plus ou moins riches, on pourra mettra en avant le fait que l'état est trop endetté (et ils le sont à peu près tous) pour justifier l'absence de nouveaux investissements.

On peut dire aussi que les états en question investissent ailleurs, soit en prévision de la fin du pétrole (dans l'immobilier local, ou alors, dans les entreprises européennes et asiatiques, comme c'est le cas pour les monarchies du Golf Persique), soit pour aider le peuple, soit pour simplement développer le pays, ou pour réduire les impôts, etc... Alors que les compagnies pétrolières, même si elles peuvent bien sur investir dans d'autres secteurs pour se diversifier, vont réinvestir essentiellement dans le pétrole.

Ou alors, on va dire que c'est parce que les gouvernants sont corrompus et s'en mettent plein la poche au détriment des investissements.

Pour d'autres, on mettra en avant la contrainte politique écologique. Les écologistes feraient pression pour qu'il n'y ait pas de nouveaux forages dans certains endroits. Cause qui sera évoquée dans le cas des pays riches (USA par exemple).

Ca, c'est pour les actes d'investissement initiés par les états. Dans le cas où le gouvernement laisse des entreprises privées prendre le risque d'investir, il peut y avoir plusieurs raisons qui vont conduire à une absence ou faiblesse des investissements ou à des échecs des investissements.

1,b) Investissements réalisés par une ou des compagnies privées

Dans certains pays, les tracasseries et longueurs administratives permettrons de justifier d'une absence d'investissement ou d'un investissement plus faible que prévu. Par exemple, en France, il semble qu'il faille minimum 2 ans pour obtenir un droit de faire une exploration du sol. Si la bulle des prix ne dure que 3 ou 4 ans, ça entraine que les nouveaux gisements peuvent être annoncés comme n'étant plus rentables (c'est très probablement totalement faux, mais c'est le prétexte mis en avant pour ne rien faire).

Les compagnies peuvent dire aussi qu'elles n'investissent pas parce qu'il y a divers éléments les dissuadant de le faire, comme des rebelles ou une instabilité politique qui rendent l'investissement hasardeux ou alors une junte qui leur est hostile. On dira aussi que les compagnies pétrolières n'étant pas satisfaites du contrat avec le pays, ne désirent pas investir.

Le gouvernement peut dire de son coté que la compagnie concernée est trop gourmande. Il peut faire trainer en longueur les négociations avec plusieurs compagnies pour savoir laquelle sera choisie pour réaliser l'investissement.

Dès qu'on a deux acteurs, ça rend les choses beaucoup plus complexes, et ils peuvent se renvoyer la balle en disant que s'il n'y a pas d'investissement, c'est parce que l'autre pose problème. Et du coup, personne ne se pose trop de question sur l'absence d'investissement, parce qu'il y a toujours une raison à ça qui parait logique.

Dans les deux situations (investissement public ou privé), le but de la clique qui nous gouverne est atteint. Les investissements dans la recherche de nouveaux gisements pétroliers ont pu être très fortement réduits pendant des dizaines d'années. Ce qui a évité que les prix ne s'effondrent.

Bien sur, se pose le problème de la perte de contrôle. Mais vu que les maitres du monde contrôlent à peu près tous les gouvernements, ça ne pose aucun problème de déléguer la production de pétrole aux états. Tous agiront bien dans le sens voulu.

On notera également que comme par hasard, la décision d'investissement se fait toujours en période de hausse des cours. Alors que vu l'histoire des hausse de prix dans le marché du pétrole (en générale des périodes assez courtes), il est évident qu'il faut plutôt faire ça après une certaine période de baisse des cours, pour avoir une production en place au moment où les prix seront élevés.


2) Accuser les états producteurs de la responsabilité des variations des prix au lieu des compagnies pétrolières

En passant le pouvoir des compagnies pétrolières aux gouvernements, on a dédouané en très grande partie les compagnies pétrolières de l'accusation de manipulation des cours et d'entente sur les prix, vu que le pouvoir de production n'est, pour la majorité des réserves, plus entre leurs mains.

Désormais, les accusations sont reportées sur les différents pays qui veulent maximiser leur profit. Et dans la tête des gens, c'est bien normal que ces pays cherchent à faire de l'argent. Tandis qu'avec les compagnies pétrolières, il y a accusation de vouloir s'enrichir sur le dos du peuple. Donc s'il y a plus ou moins entente sur les prix, c'est plus légitime, ça passe mieux.


3) Ne pas voir les producteurs comme un pouvoir uni, grâce au grand nombre d'acteurs et à la diversité de leurs objectifs

Avoir un grand nombre de producteurs permet également de faire en sorte qu'on ne puisse pas les voir comme un pouvoir uni. Chacun est sensé être indépendant. Ils peuvent avoir des intérêts communs. Mais souvent, ils vont être divergeant (ou présentés comme étant divergeant), même sur le sujet simple des prix du pétrole.

Surtout qu'il y a des pays producteurs qui sont aussi importateurs, parce qu'ils ne produisent pas assez pour être autonomes. Au lieu d'avoir une compagnie qui a intérêt à avoir des prix élevés, on a un état producteur, mais importateur, qui a intérêt à avoir des prix bas. Donc, on doit déjà avoir une partie des pays producteurs qui n'ont pas les mêmes intérêts que les autres quand au niveau des prix.

Et puis, il y a les pays qui sont des dictatures, alors que d'autres sont plus ou moins des théocraties (certains pays musulmans), et d'autres encore des démocraties. Il y en a qui sont pauvres, il y en a qui sont riches. Il y en a qui sont puissants (USA, Russie Angleterre, etc...) et d'autres qui sont faibles (petits état d'Amérique du Sud, d'Afrique, etc...). Ca permet d'avoir encore des sources de divergences d'intérêts et d'objectifs. Ce qui rend encore plus difficile de voir ces acteurs comme un pouvoir uni.

Bien sur, il y a des moments où on met en avant que bon nombre de ces acteurs ont réussi à s'entendre sur les prix. Mais ces périodes d'ententes vont toujours être présentées comme des situations fragiles et temporaires.


4) Donner une impression d'indépendance des états


En plus, le fait d'avoir nationalisé les puits donne l'impression que les pays l'ayant fait sont vraiment indépendants. S'ils ont pu s'opposer avec succès aux compagnies pétrolière, pourtant si puissantes, ainsi qu'aux USA et à la GB, pourtant eux aussi extrêmement puissant, c'est que leur indépendance est réelle.

Donc, tout ce que font ces pays semble être le fait de pays souverains. Ca ne semble pas dicté par d'autres. L'idée que les actions de ces gouvernements obéissent à une logique politique interne est crédible.


5) Brouiller les cartes, compliquer la situation, avoir à chaque fois une explication facile à la variation des prix

Le fait d'avoir autant de producteurs aux intérêts très différents permet de brouiller les cartes. Comme dit plus haut, il y a des dictatures, des théocraties, des démocraties, des pays pauvres, riches, faibles, puissants. Toute cette variété entraine la complexité. Et avec une telle complexité, on rend le truc incompréhensible pour le profane. Ce qui fait qu'on peut facilement justifier de tout et n'importe quoi.

Et puis, grâce à cette situation, on peut justifier de variations de prix dans les deux sens. On peut justifier des prix bas en partie grâce à la mésentente des états et de la pauvreté de certains qui doivent produire beaucoup pour maintenir a flot leur économie. Et on peut justifier de prix élevés en disant qu'à ce moment là, les états ont réussi à s'entendre sur les prix. En présentant la situation d'entente comme précaire, on peut justifier des variations de prix à chaque fois par une meilleure entente ou une mésentente entre les pays producteurs. Alors que si le pouvoir de production était toujours essentiellement dans les mains des compagnies privées, le grand public pourrait trouver bizarre les variations importantes de prix.


6) Limiter la puissance des compagnies pour masquer l'unicité du pouvoir contrôlant la production pétrolière

On peut se dire également que sur un secteur aussi énorme économiquement et aussi profitable financièrement, on a le danger que les compagnies qui dominent ce secteur finissent par racheter toutes les entreprises existantes dans l'économie (comme on peut le voir actuellement, où il n'y a plus que 4 ou 5 grandes compagnies). Donc, les maitres du monde limitent la puissance des ces compagnies volontairement et éparpillent le pouvoir entre de nombreuses mains, pour qu'il n'y ait pas un pouvoir économique trop visible de la part de quelques compagnies.